Antigone.
Pour une sorte de concours qui n'a jamais aboutit :
" La mort, la trahison, le désespoir sont là, tout prêts, et les éclats, et les orages, et les silences, tous les silences ; le silence quand le bras du bourreau se lève à la fin, le silence au commencement quand les deux amants sont nus l'un en face de l'autre pour la première fois, sans oser bouger tout de suite, dans la chambre sombre, le silence quand les cris de la foule éclatent autour du vainqueur, et on dirait un film dont le son s'est enrayé, toutes ces bouches ouvertes dont il ne sort rien, toute cette clameur qui n'est qu'une image, et le vainqueur, déjà vaincu, seul au milieu de son silence..."
Et aussi parce que j'ai toujours aimé ce livre.
(...) "C'est reposant la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir ; qu'on est pris, qu'on est pris comme un rat, avec tout le ciel sur notre dos, et qu'on n'a plus qu'à crier, pas à gémir, non, pas à se plaindre, - à gueuler à pleine voix ce qu'on avait à dire, qu'on avait jamais dit et qu'on ne savait peut-être même pas encore. "
'La foule attend. Elle acclame. Mais elle attend quoi? La tragédie; l'accident. Elle sera bien plus satisfaite d'avoir quelque chose à raconter qui n'est arrivé qu'une fois; et qui n'arrivera peut être plus. La fin tragique dont seule elle aura été témoin; l'évènement unique qu'elle pourra se venter d'avoir vu. Ce qu'elle pense est si fort que ses cris ne s'entendent plus. On perçoit bien mieux sa volontée silencieuse...
Le vainqueur est là; seul, au milieu de cette foule de fantômes, différents mais identiques. La clameur s'efface; il n'entend plus rien des hourras inconsistants.L'enveloppe joyeuse est bien trop fine; le vide est bien plus présent. Il lance un regard désespéré vers le ciel; et vers ce cortège funèbre, là en bas. Elle lance un regard, plutôt. Car c'est elle qui voit les choses comme ça. Le désespoir dans chaque exclamation muette; la gêne dans chaque regard. Elle est déjà d'un autre monde.
La coupe ne sert à rien, ce n'est qu'un artifice... Qui a gagné? Quoi? Tous les êtres retournent leurs vestes. On leur demande d'acclamer, ils acclament. Même si le vaincu se retrouve sur un trône et le gagnant dans la fosse commune. C'est comme ça. Ils soutiendront la pire injustice si l'on leur demande. Et ils en seront heureux. Pas ce bonheur doux et simple; mais cette joie malsaine d'être l'allié du plus fort.'