Juin 2021
Read MoreMiroirs | Lettre à un autre Moi
Je sais. Je sais, tu as toujours pensé qu'avec beaucoup de patience et de bonne volonté, en y mettant du cœur et de l'énergie, avec quelques compromis, les choses finissaient par avancer dans le sens qui te semblait sensé. D'autant plus en étant ouvert aux discussions, aux explications, en ne demandant rien pour sa pomme et en acceptant, avec plaisir, les quelques bonus (in)espérés s'ils existent, sans vouloir dévorer le bras lorsque s'offre le petit doigt. En essayant à fond, en tout cas.
Évidemment, tu sais que ce n'est pas simple. Ça ne l'est jamais. À ce compte là, mieux vaudrait rester enfermé dans son coin sans rien espérer. Tu savais que des fois ce serait perdu d'avance, et que parfois il faudrait beaucoup, beaucoup, beaucoup de patience et d'arguments. Certes. Peu importe, après tout, t'as toujours voulu foncer, même au ralenti. Secouer un peu les pensées et les habitudes, essayer au passage de bousculer des certitudes. Tu n'as jamais accepté de te vendre : on ne loue pas sa vie à n'importe qui ; questions de cohérence et de principes. "Être riche et esclave ? Moi j'préfère être libre et à la rue."
Mais des fois, même en se donnant à fond, en essayant vraiment, corps et âme, ... ça merde. C'est pas ta faute. Non vraiment, c'est pas ta faute. Oui, t'aurais surement pu faire autrement à un moment ou à un autre. Être plus pédagogue, mieux communiquer, insister davantage, aller plus vite parfois, moins vite d'autres. Accepter plus de compromis. Ou moins. T'aurais pu. Mais t'es humain. Alors t'as juste fait de ton mieux, et c'était bien assez, parce que techniquement on ne peut pas faire mieux que de son mieux. Des fois ça merde, c'est tout. Tous les points de vue ne sont pas compatibles, la vie est un grand puzzle et chaque pièce ne s'assemble pas souvent avec toutes les autres.
T'as lu des vieux bouquins – t'as toujours été vieux, au fond. Tu sais qu'il y a des sujets et des idées qui sont rabâchés depuis des années, des siècles, des millénaires, qui sont vitaux et logiques depuis le début, et qui pourtant ne prennent pas, n'avancent pas. Ne te rends pas malade pour ça, ça sert à rien. Je ne peux pas te dire que ce n'est pas grave : si, évidemment, c'est important. Mais le négatif attire le négatif comme un aimant. Alors lâche l'affaire, et va planter tes graines ailleurs. Ici elles ne poussent pas, et lorsqu'enfin elles germent, on les arrache comme des mauvaises herbes.
Peut-être qu'un jour, une fleur sauvage poussera sur ce terrain stérile, et qu'elle soufflera de belles mélopées aux occupants. Peut-être que c'est juste une question de temps. Ou pas. Peut-être qu'un jour, quelqu'un plantera d'autres graines, puis quelqu'un d'autre. Et que du compost préparé par les premiers, un jardin mirifique naîtra.
En tous cas garde tes valeurs, tu as mille utilités ailleurs. Reste positif, ouvert, généreux, patient. Prend juste peut-être, parfois, un peu moins, les choses à bras le cœur.
Challenge une photo et quelques mots par jour : 179/365 - 28 juin
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