Un aube blanche se lève. La terre n'est qu'une large étendue spongieuse qui fait le dos rond. Des perles somptueuses patinent le long des brins d'herbes, ornent l’extrémité des feuilles. La pluie tombe en ficelles tendues, un épais tissage translucide suspendu. Les montagnes brumeuses émergent parfois. Rien qu'un instant, un fragment, une esquisse. La falaise n'est plus, la vallée n'est plus, la ville n'est plus. Il ne reste que le brouillard. Une page blanche pour dessiner ses rêves. L'impalpable se lasse. Il s'élève, effleure les bois qui passent leurs long doigts dans son pelage humide. Il se colle aux sommets, leur fait la fête, les lèche longuement, les câline passionnément... pour rester un peu les pieds sur terre, avant de devenir éther. Des lumières dansent dans les trouées, toutes heureuses de rejoindre le sol. Le soir tombe. Le blanc s'est disloqué, condensé, est devenu un monstre joufflu tout fier d'hérisser le massif de ses énormes pustules. Une nappe étrange arrive de l'Ouest, opalescente, fluide. Elle se heurte à quelques courants, se plie, décline, s'incline, se plisse en synclinaux, jusqu'à former un immense océan renversé, tout strié de lames, qui flotte au-dessus du paysage. Challenge une photo et quelques mots par jour : 217/365 - 5 août
Une scène toute simple dont les éléments m'ont interpellée : les pétales mouchetés, la feuille tachée. Une parfaite exposition de magnifiques imperfections : l'art moderne au naturel. Du pot-pourri et de son odeur à la fois suave et vieillotte, mes pensées sont passées au pot fêlé. Vous la connaissez, l'histoire du pot fêlé ? Un conte populaire, sans doute asiatique, entendu il y a longtemps. C'est l'histoire, selon les versions, d'une vieille dame ou d'un paysan. Disons, une paysanne. Il était une fois, une vieille paysanne qui allait chercher de l'eau au puits. Sa bicoque en était éloignée, et, chaque jour, elle parcourait un long chemin qui ondulait entre les prés et les champs. Elle utilisait deux grands pots accrochés chacun au bout d'une longue perche. L'un était en parfait état, et ramenait toujours une pleine ration d'eau, alors que l'autre, fêlé, n'arrivait qu'à peine rempli à moitié. Ce petit manège s'éternisa, se répétant d'année en année. Chaque jour, la vaillante paysanne revenait avec un pot et demi d'eau. Un jour, le pot fêlé, gêné, honteux, voulu s'excuser à la vieille dame. Il lui dit ce qu'il avait sur le cœur, sa confusion d'être si peu utile, de ne pas savoir faire aussi bien que son compère irréprochable. Il se sentait méprisable de lui faire faire chaque jour un si long trajet pour un si piètre résultat. La paysanne l'écouta avec attention. Une lueur malicieuse apparut dans ses yeux : "N'as-tu pas vu que ton côté du chemin est tout fleuri et pas l'autre ? J'ai toujours connu ta faiblesse, et je sème des graines le long du sentier pour que tu les arroses. Regarde comme tu nous rends ce trajet plaisant !" Et en effet, le lendemain, au lieu de se concentrer sur son défaut, le pot fit attention : quel trajet magnifique, tout bordé de bourgeons et de corolles multicolores ! Ami fêlés, amis tordus, sachons tirer parti de nos fêlures ! C'est la diversité qui rend la vie si passionnante... Challenge une photo et quelques mots par jour : 218/365 - 6 août