L'air est tiède, brassé par un vent chaud naissant. Le soleil pèse sur les nuages gris, les perce quelques fois, dégoulinant en rayons brulants jusqu'au sol gravillonné. Une corneille becquette l'herbe proprement tondue des terrains de sport. Une moto beugle au loin. Le stand de tir éructe des coups de feu convulsifs dont les échos se perdent dans les bois. Les détonations rythment la vie, qui s'est adaptée à cette invasion sonore agressive. Des mésanges se houspillent dans les houx, deux troglodytes mignons, parfaits et minuscules, se poursuivent et virevoltent dans les zones d'ombre drue à quelques mètres. Accroupie contre un arbre couché, je scrute leurs allées et venues. L'ambiance a changé : la forêt s'est imprégnée d'automne. Les frondaisons vertes échappent des ondes de feuilles qui tournoient jusqu'à toucher l'humus en crépitements irréguliers. L'humidité naissante a déjà enfanté quelques champignons. Il y en a de toutes formes : des coraux grisonnants, des longilignes avec un bonnet en lentille, des petits bruns replets, de grands chapeaux coniques dissimulant des timorés... Cette petite famille encapuchampignonnée s'est révélée particulièrement mignonne. Challenge une photo et quelques mots par jour : 275/365 - 2 octobre
Le soleil s'est levé du pied gauche ce matin. Le ciel maussade laisse présager le débarquement imminent d'un régiment d'ondées perturbées. En fin de matinée, une pluie fine prend ses quartiers. Dès que les allées sont bien mouillées, elle s'arrête, laissant espérer un répit avant la nouvelle salve. Mais le ciel pesant s'affaisse, charge, devient une masse menaçante et uniforme. De lourdes lamentations le secouent dès le milieu d'après-midi. Il doit en avoir gros sur la patate, car le flot de gouttes ne fait que s'intensifier. Tout dégouline, de vastes flaques s'emparent mornement des bords de route et des champs boueux. De bureau en tables, la journée me file entre les doigts. Déjà, la nuit est là. Armée d'un parapluie pour protéger mon futur sujet et d'une frontale pour le trouver, j'explore les rues désertes. Les lampadaires rendent le goudron merveilleux, lustré d’innombrables moirures oranges. Des moutons surveillent un bout de clôture, et devant moi s'aligne l'allée qui mène aux bois. L'empreinte humaine se fait moins présente, les ondées rebondissent dans les feuillages, et les bruits du parapluie qui frotte les branches deviennent inquiétants. Là, sous les arbres, un troupeau de petits bonshommes de mousse regarde les gouttes tomber comme un cadeau du ciel, enfilant des perles étincelantes sur leurs corps frêles. Un moucheron aventureux, en équilibre entre deux flops, joue au maître du jeu. Challenge une photo et quelques mots par jour : 276/365 - 3 octobre
A ...... c..... c.... é.... l... é.. r.. a. t i on Derrière le volet entrouvert, des bruits humides et marécageux. Des voitures roulent allègrement dans les flaques et s'aspergent, se rappelant avec délice une enfance qu'elles n'ont pas connue. Aujourd'hui, je rends visite à ma grand-mère : une jeune femme vaillante de 89 ans. Ce n'est pas arrivé depuis beaucoup trop longtemps. Pas par manque d'envie, simplement par l'inertie du tourbillon de la vie, qui gravite autour du quotidien bien rempli. Le paysage rectiligne se ballonne doucement. Les prés enjambent les monticules, les bosquets se juchent sur des protubérances. Les collines sont flanquées de villages aux vieilles longères à colombages, les murs emplis d'un patchwork de briques rouges et d'enduit beige, surmontées d'un toit de tuiles arrondies. J'adore ces baraques. Des champs de poulets blancs picorent. Les rivières sont sournoises, lisses mais animées de courants féroces, gonflées, brunes, elles sinuent au ras de l'herbe, prêtes à déborder et engloutir. Plus loin, les forêts se collent aux reliefs. La brume est là, sur la crête... Juste un peu plus loin, juste un peu plus haut... Plusieurs fois, on l'effleure. Jamais on ne la rattrape. Elle rode par coussinets replets insaisissables. La mousse couvre les troncs d'arbres démesurés qui dominent la route. Un peu de bleu surligne l'horizon. Puis une strie vaguement orange se dessine. Et si le soleil saluait le monde avant d'aller se coucher ? Le temps de s'arrêter, de courir sur le dos bombé d'une éminence... et une lumière jaune vif caresse la lisière des bois derrière moi. Deux hérons décollent. L'herbe trempée luit de millions d'éclats. Le temps de poser l'appareil, de le régler, ... Et le soleil a disparu. Il n'est passé que dans une lucarne, un trou de serrure, le temps d'un salut. Reste seulement son empreinte flamboyante, tracée sur l'horizon à l'encre de feu. Challenge une photo et quelques mots par jour : 277/365 - 4 octobre