D'abord, des étendues planes, à perte de vue. Des champs interminables, de blé fauché, de terre battue, de bottes carrées. Un désert rectiligne couleur terre et paille. Le "no man's land" des plaines céréalières. Le ciel se dissout en nuées grisâtres qui rasent le sol. L'atmosphère terne laisse apparaître un peu de lumière, inaccessible mais pas si loin. Les longues lignes droites se succèdent, se croisent. Quelques rayons de soleil se faufilent sous la voûte oppressante. S'évanouissent. Enfin, des forêts. Des parcelles inextricables bordées de fougères géantes d'abord, puis de hauts arbres, espacés, fiers, saluant la bruine avec un panache séculaire. Quelques mèches de bruyères mauve dans les talus. Avec une once d'espoir, j'espère que les nuages s'affaissent et envahissent les bois de brume. Mais non. Et l’on ne s'arrête pas. Le paysage défile et des rêves m'emportent dans des situations bizarres semées de cabanes et de renards en lisières de forêts. De temps en temps, mes yeux s'ouvrent sur un nouveau décor : plus loin, la campagne. La campagne et ses éminences douces, agrémentées de lopins séparés de haies, de quelques villages érigés au hasard des patchwork plissés de teintes ocres et verdoyantes. Voilà la ville. Ses obstructions, sa densité, sa surpopulation nuancée. Ses tas de voitures blanches, grises, beiges, noires, avec parfois quelques touches de couleurs, souvent en forme de vieux véhicules dégingandés. Les bouchons se dissolvent dans un flux gazeux aux senteurs d'essence. Encore quelques collines, et les remparts des montagnes se distinguent, touchant les nuages, y disparaissant. Des éclats de soleil courant sur leurs flancs sombres parfois blessés d'une carrière. À l'arrivée, les instants s'enchaînent et s'emboîtent. Et bientôt la nuit tombe, emportant encore une fois les vagues idées d'inspiration quotidienne. Et voici qu'un éclat jaillit sur un sommet comme une ampoule énorme. L'ampoule éclate, s'envole, caresse les étendues de son éventail flamboyant. Avant de monter plus haut encore, prendre plus de recul, ... jusqu'à s'envoler si loin qu'elle sera bientôt cachée par l'autre bout du monde. Challenge une photo et quelques mots par jour : 235/365 - 23 août
C'est l'histoire d'une petite chose... que dis-je, d'un petit être... Non, en fait, d'une petite entité – car oui, on ne sait pas trop dire si les virus sont vivants ou inertes. Ou les deux. Une petite entité qui a voulu changer le monde, et ce, sans faire exprès. Vous estimez que vous êtes trop insignifiant pour changer le monde ? Pour se reprendre et se donner du courage, on citait le Dalaï Lama : "Si vous avez l’impression d’être trop petit pour pouvoir changer quelque chose, essayez donc de dormir avec un moustique et vous verrez lequel des deux va empêcher l’autre de dormir." Et puis on a démocratisé les insecticides, et cette jolie phrase a pris quelques pulvérisations dans l'aile. Désormais, ce pourrait être à la mode de comparer aux virus : c'est pas la taille qui compte…! Un virus, c'est tout petit : plus petit qu'une bactérie. Des virus, il y en a plein. Partout. J'aime bien les chiffres : en voici quelques uns. Il y a une quinzaine d'années, on a estimé qu'il pourrait y avoir environ 10 puissance 30 virus dans les océans... et que étirés et mis bout-à-bout, ils formeraient une ligne s'étendant au-delà des 60 galaxies les plus proches. (Pour estimer la distance des galaxies les plus proches, songez que l'on parle déjà en dizaines de milliers d'années lumières, et que la lumière se déplace à environ 300 000 km/seconde. C'est à dire que l'on parle de la distance parcourue en dizaines de milliers d'années par un truc qui fait le tour de la Terre en à peine plus d'1/10e de seconde....) Dans l'eau de mer, la concentration en virus est de l'ordre de 10 puissance 7 virus par millilitre... Soit 10 000 virus par millimètre cube. Voici pour les vertiges. Pas de panique, ne désinfectons pas tout de suite la mer à la javel : il n'y a "que" 5000 espèces de virus décrites comme susceptibles d'infecter un humain. Et sur ces 5000, seules environ 130 sont jugées pathogènes. Donc, tous les virus ne sont pas mauvais, et encore moins mauvais pour nous. Et pourtant, il en suffit d'un seul, bien costaud, pour tout bouleverser. Les virus ont déjà chamboulé le monde bien des fois. Ils ont secoué l'Europe à plusieurs reprises, les colons en ont emporté quelques virulents aux peuples premiers... ils ont fait leur petit bonhomme de chemin un peu partout. Ils habitent la Terre comme nous, et même si l’on venait à en éradiquer une ou deux espèces, il en resterait quelques milliards de millions. Allez, suffit pour les frissons ! Ce soir, après une journée devant l'écran, je déambule dans le jardin à la recherche d'un sujet. Au loin, des flots de brume décontrastée errent à différentes hauteurs, se croisent, laissent parfois pointer l'esquisse d'une cime. Les liserons ont lancé leurs grappins sur les lys, je regarde leur corolle vrillée en forme de collier élisabéthain ; une sorte de trou noir tout blanc. Au fond du terrain, une plante a jeté son dévolu sur l'ancien compost. En la regardant de plus près, je trouve cette partie intrigante et esthétique – en plus d'avoir vraiment la tronche du virus stylisé. Alors, qu'est-ce que c'est ? Challenge une photo et quelques mots par jour : 236/365 - 24 août
L'humidité et le temps ont aplati les hautes herbes. Elles crochettent des tapis dérangés qui tentent d'enjamber les allées. Alors que le soleil s'en donne à cœur joie, un nuage solitaire et capricieux décide soudain d'inonder les lieux. En face, la lumière reste intacte jusqu'aux monts brumeux. La pluie s'amplifie, de grosses gouttes dansent et frappent le sol comme autant de joyeux tambours à l'unisson. ... Le soleil revient, comme après toutes les averses. Les dernières gouttes sont encore suspendues dans les airs que le sol fume et expire sous les rayons. Les fleurs et les herbes pétillent de millions d'éclats, minuscules flammèches éphémères. Les pelouses sont envahies d'une mêlée de feux follets, tout frétillants. Tout à coup, je la vois. Ça fait des semaines que je la cherche, que je me dis qu'elle devrait être là. Qu'elle pourrait, en tous cas. Elle avance sur le rideau galbé, se stoppe, essuie d'un mouvement de coude une goutte tombée sur sa tête, se statufie. Challenge une photo et quelques mots par jour : 237/365 - 25 août