Le sentier trace son sillon à travers la pente sans se soucier de sa raideur. Tout droit. La silhouette qui me précède se dérobe presque à ma vue. J'essaye de suivre mais mes jambes ont atteint leur vitesse de croisière dans la terre défoncée. Je me sens souvent dépitée dans ce genre de contexte : ne pas réussir à accélérer alors que l'autre ne semble fournir aucun effort notable. Avoir l'impression de mettre trop d'énergie dans la marche pour prendre le temps d'observer. Sur les côtés, des buis moribonds se relaient. Quelques feuilles fusent des troncs glabres, comme un message d'espoir. Les hêtres forment un couvercle avec leur parure de ce vert printemps si intense. Au sol, mon regard s'accroche aux jeunes pousses chiffonnées, encore faînes il y a quelques jours. Des brins de muguet dépassent du sol couvert de feuilles brunes. Quelque part à droite, une dame donne de la voix, discute et appelle. C'est décidément bien bruyant, un humain, quand on y pense. Ses fanfaronnades exaspèrent mon compagnon au plus haut point. Moi, je ne comprends ni l'un, ni l'autre. Pourquoi parler aussi fort en pleine nature, au milieu des bois silencieux ? ... Et pourquoi s'énerver après quelqu'un qui parle fort, en prenant le risque de transmettre la colère comme un feu de broussaille ? Progressivement, la flore se fait plus alpine. Au muguet et aux sceaux-de-Salomon s'ajoutent des globulaires – j'adore leurs petits pompons bleus – et bientôt... des gentianes. Le bleu dense et sombre, indéfinissable, me happe dans ses profondeurs. Challenge une photo et quelques mots par jour : 117/365 - 27 avril
Revient la pluie, hésitante, et avec elle pour la première fois de l'année, les escargots. Depuis quelques semaines déjà, les limaces grignotent avec application les rares semis déjà en place dans le jardin, les faisant péricliter un à un. Mais leurs compères encoquillés restaient bien cachés... Ici, ils sont légion. Énormes, charnus, ... du gastéropode de compet'. Je suis sûre qu'ils mangent plus de salade que nous, en définitive. J'ai une certaine admiration pour ces animaux biscornus, tout en calcaire et en ventouse, qui trimballent une cabane dont ils peuvent fabriquer une porte – appelée épiphragme pour les intimes – de toutes pièces à base de... bave. Enfin de mucus visqueux. Ils sont ainsi capables d'hiverner... et d'estiver, au besoin. Qui plus est, ils sont hermaphrodites, certains d'eux peuvent crier, et il peut arriver qu'ils soient gauchers – avec une coquille enroulée dans l'autre sens, donc. Ils voient avec deux de leurs cornes et sentent avec les autres. Bref, assez de malacologie pour aujourd'hui. Comme leur normalité doit être étrange... ! Challenge une photo et quelques mots par jour : 118/365 - 28 avril
L'éther se délite. Toute la journée, il tombe en copeaux humides. Enfin. En ce milieu de printemps, la pluie se faisait déjà attendre. Il n'y a plus d'horizon ; ni lisse et prévisible, ni montagneux hérissé de surprises. Le ciel s'étale à perte de vue. Des cordes trempées arrosent la forêt renaissante, des rideaux opaques isolent les reliefs. Il fait nuit toute la journée. À un moment vers le crépuscule, la lumière sourd du terne. Les nuées s'élèvent, des contreforts jaillissent, tapissés de printemps. En plein cœur du néant se dessine une pente. Un simple rocher, qui devient dôme, citadelle dans le ciel, donjon perché. Bientôt ils sont deux, puis trois. Ils restent là, comme suspendus. Les coteaux s'incurvent à leurs pieds dans une sombre révérence. Challenge une photo et quelques mots par jour : 119/365 - 29 avril