Non pas une disparition mais une apparition inexpliquée. Le voilà soudain, voletant dans le crépuscule, cherchant les lumières artificielles après l'extinction des feux au-dehors. Dans la journée, j'ai entrevu ses compères diurnes. Un blanc maquillé d'yeux noirs ; des orangés croqués de motifs géométriques. Le temps manquait, les activités abondaient, et je n'ai pris le loisir que de les contempler, l'espace de quelques instants. Leur trajectoire incertaine, leurs délicats mouvements d'ailes souples et aériens, leur légèreté. Mais le voici ce soir, entre les phares éblouissants des ampoules, perdu sur l'écume blanche du plafond. Il se déploie, espérant peut-être se faire balayer d'un coup de vent. Mais pas un zeste de vif. Alors il bat des ailes, comme pour gonfler son voilage. On devine l'ébauche d'un drapeau pirate sur la poupe. Son camouflage de zèbre laisse place à une vive tunique de coccinelle. Il avance ainsi ; un peu, davantage. L'ombre suit les vagues de ses mouvements bicolores. Il décolle, atterrit, espère une aspiration inspirante. En attendant, il se retransforme en un triangle passif en pyjama rayé. (Pour les curieux, c'est un.e écaille chinée.) Challenge une photo et quelques mots par jour : 238/365 - 26 août
Un mirage. La chaleur fait vriller l'éther, qui divague et s'évapore en une toison d'or toute brouillée. L'après-midi est d'un silence remarquable. Comme si tout le quartier était parti en vacances ! Ne restent que le voisin et moi, à faire du barouf en taillant la haie (lorsqu’on se retrouve à tailler une haie avec une scie, c'est qu'on a trop attendu, c'est ça ?) et en secouant son mirabellier. Alors que je suis tout en haut de l'arbre, je vois à mes pieds une voiture se garer, un bras se tendre sans succès vers la branche la plus basse... : "Presque !" Le conducteur surpris me salue, confirme son échec et reprend la route. Des geais et des corneilles criaillent dans le conifère, échangeant des sons plus qu'étranges. Un nuage noir dévore quelques rochers au-dessus, puis lâche du leste et s'élève. Là-bas en face, les cimes se font timides, toutes engoncées dans un duvet obscur, laissant parfois apparaître une ligne fragmentée de crêtes, qui flotte au milieu du ciel. Challenge une photo et quelques mots par jour : 239/365 - 27 août
Le vélo est posé au bord d'un chemin jadis défoncé où la végétation a repris le dessus. En contrebas, à travers les bois, une musique chante. Ses rythmes remontent par saccades. Au fond du gué, une eau calme s'étend, dansant dans les quelques rayons qui traversent le feuillage. Ses mouvements irréguliers lui donnent une apparence vivante ; elle frémit, bondit, ralentit, se balance, convulse. Sur l'autre rive, un petit terrain tout en terrasses sculptées dans la pente, vogue entre des arbustes bien sages jusqu'à une maison. Le ruisseau se rassemble sur lui-même pour pénétrer dans une entaille. Son patient passage passif a disposé des couronnes de calcaire sur tous les obstacles qu'il a régulièrement surmonté, rendant son lit plus confortable. De part et d'autre, la pierre grise est à vif, taillée en écailles parallèles. La terre grignotée patiemment dévoile un fouillis de racines. L'eau ronge son frein. Du lierre et quelques arbrisseaux s'accrochent aux parois presque verticales. Des feuilles déjà teintées d'automne s'abîment sur les formes entre les petits bassins. Derrière, une ancienne haie de charmes s'emmêle en une longue rangée d'arbres tortueux. L'eau sature l'espace auditif avec ses bruits gargouillants, entre pétillements et complainte. Challenge une photo et quelques mots par jour : 240/365 - 28 août