Aujourd'hui, je n'ai même pas fait de blagues. J'avais bien quelques idées de poissons créatifs, mais elles sont restées au stade embryonnaire, bien au chaud dans leur œuf. Elles écloront plus tard. (Si je fais des poissons pour le premier mai en disant que le confinement a tout décalé, vous croyez que ça passe ? En plus, c'est la période où les lapins couvent des œufs remplis de friture en attendant les cloches, si j'ai bien compris. Quelle affaire, il ne faudrait pas les perturber...) Bref. Aujourd'hui, je suis allée à un parc. Je me suis garée sur un parking de gravier bien ratissé. Autour, un vieux mur pour cacher une route farouche, un bâtiment grisâtre et osseux, et une barrière de végétation qui semble bien décidée à envahir les lieux dès que tout le monde aura le dos tourné. J'ai marché d'un pas assuré vers l'arche qui marque l'entrée. Ai fait un tour du pâté de maison avant de me rendre compte que j'avais pris la route un peu trop à droite. Enfin, le parc. Je ne m'attendais pas à ça. Derrière une haie taillée en carreaux clôturée de deux lignes de pics acérés, un énorme espace aéré. Des arbres superbes, imposants, majestueux. Une diversité de formes, de couleurs et de textures frappantes. Inévitablement, il y avait des gens. Mais répartis sur une grande surface, de façon lointaine et homogène. Peu de grumeaux. Des jeunes à selfie, des vieux à canne à pêche. Peut-être aussi l'inverse. Des coureurs, des curieux, des dormeurs. Des bien peignés, des dreadeux. Le son de quelques percussions trépigne sur le gazon couleur stabilo. Les premières pousses vertes font des chapelets de verts-luisants au bout des branches. De vieux saules aux courbes harmonieuses balancent leurs ramures dans le vent. Un nombre incroyable d'oies klaxonne et s'invective. Les colverts ne font pas les fiers. J'arrive à la mare et à son bouquet de platanes. En réalité, j'ai une petite idée, glissée par une collègue. Je sais que dans les environs, il y a eu un martin-pêcheur. Un jour pas très lointain. J'aimerais bien trouver son coin ! J'erre un moment, fais le tour sans fin et tout en sinusoïdes, atteins une impasse, me tasse près d'une gerbe de roseaux brisés. Les rayons jouent avec les feuilles tendres qui s'avancent au-dessus de la berge. L'eau est coulée en un miroir presque parfait. Deux oies fendent la surface de mercure. Et plouf. D'un mouvement, je viens de déranger une grenouille. Pardon ! Je m'allonge, et regarde mieux le sol spongieux devant les roseaux. Trois grenouilles sont terrées dans la vase, leur corps verruqueux se fondant à merveille avec l'eau scintillante. Les yeux pailletés d'or observent. Au fait, vous saviez que les grenouilles s'aident de leurs yeux pour manger – enfin pour avaler ? Et c'est pas un poisson d'avril... ! Challenge une photo et quelques mots par jour : 91/365 - 1 avril
Imaginez... Une forêt immense, moussue, qui progressivement envahit la Terre. Là, à deux pas. Dense, menaçante, inconcevable. Même les vents ne suffisent plus à la canaliser. Les moyens humains sont dérisoires. Cet après-midi, j'ai croisé une de ces illusions. Un vallon ratatiné, gardé par une pâture mouchetée de moutons silencieux. À perte de vue, une caverne à ciel ouvert, concrétions recouvrant patiemment chaque élément, goutte à goutte, feuille à feuille. Le décor semble se mouvoir autour de moi. De plus en plus épais, de plus en plus fabuleux. Il fait doux. Depuis un moment je somnole, mais la beauté peu à peu m'éveille. Les arbres croulent sous les stalactites de mousse drue et verte. Monumentaux, impensables. Des grottes étriquées, renfermées sur elles-mêmes, refuges de chauve-souris camouflées, se dissimulent à cette débauche dégoulinante. Les troncs foisonnant s'élèvent le plus vite possible pour toucher la lumière. Je crains ne pas savoir illustrer leur majesté. Le temps manque. Quelques minutes de pause dans un autre monde... Challenge une photo et quelques mots par jour : 92/365 - 2 avril
Un petit toupet discret, une coiffure rosée ébouriffée. Une ombelle débraillée, un port élancé, une grappe de petites fleurs similaires et pâlottes… Les cardamines ont pointé leur nez en plaine. Un troupeau végète dans une prairie, gardé par quelques pissenlits indisciplinés. Elles sont mignonnes. Plus loin, c’est un groupe d'anémones sylvies qui subit la course du vent. Ce vent, qui tout heureux, gambade et emporte tout sur son passage. Les sœur blanches qui grandissent soudées en sont toutes secouées. D’un côté, de l’autre. L’agitation a gagné le sous-bois. La pureté de leur corolle rehaussée d’un soupçon de jaune en fait des lampions tremblotants qui égayent la terre nue auprès des hêtres tortueux. Elles baissent la tête, attendent que ça passe. Les troncs pluriels, fusionnels, sinueux, drapés d’un fin velours de mousse, ne peuvent rien pour elles, sinon rester de marbre. Revenons aux cardamines. La bise les secoue, les empoigne, les jette à terre, … s’en veut. Les redresse, les câline, les dorlote. Elles frémissent, s’écrasent, se relèvent. Tremblent. Se rassurent. Quelques branches raclent et se cognent, emportées par les rafales. Les arbres fleuris neigent sur leur territoire. Les pousses nouvelles brillent dans la lumière dorée de fin de journée. À l’arrière-plan, un bosquet compact abrite une rivière. Couché dans l'herbe, je regarde les teintes se refroidir. Une solitaire, bien sûre d’elle, fleurs en mégaphones, prend la pose. Dans quelques minutes, un homme sur un minitracteur, surpris, se marrant sous son masque, viendra me dire que : "Bonsoir... Le parc ferme ! - Tout de suite ? (je cherche vainement un téléphone pour regarder l'heure, me relève en ramassant les diverses choses qui s'envolent) - Il y a 20 minutes normalement. - Ah ! Euh, j'y vais, alors." Challenge une photo et quelques mots par jour : 93/365 - 3 avril