Un jour, Dieu créa le parasol. Je dis Dieu. Mais peut-être fut-ce la Terre, l'univers, le cosmos, la matrice, le Hasard, l'humain ou l'ombre. Personne ne sait vraiment. Le parasol fut décliné en un tas de configurations. Après tout, le principal usage du parasol est de se protéger du soleil en s'offrant une surface ombragée. Fleurirent donc, dans un premier temps, des parasols de toute forme, de toute taille. L’on voyait de-ci, de-là, des géants tenant un germe pour se rafraîchir le coin de l'œil, des limaces qui traînaient de coquilles pour s'abriter dedans, des oiseaux portant une ramure d'olivier, des animaux qui trouvèrent que le cheveu sous forme de crinière était finalement un isolant convainquant bien qu'assez instable ; et même des montagnes qui s'empalaient un nuage sur un pic. Personne ne savait réellement ce à quoi était censé ressembler un parasol. Même pas Dieu lui-même, qui connaissait dit-on un léger passage à vide et était à court d'imagination. Après les chaleurs accablantes et ce foisonnement hétéroclite d'improbabilités ombreuses, vint, comme chaque année, l'automne. Somptueux, coloré à souhait. Dans les bois, entre les feuilles tombées en tapis, poussa un champignon. C'était un champignon rebelle, incapable de pousser droit, un peu tordu par-ci, de travers par-là. Il s'auto-ombrageait la face d'une façon fort plaisante, qui en inspira plus d'un. Son chapeau faisait d'ailleurs tout aussi bien office de parapluie, le temps des longues journées humides étant venu... Il paraît que la vision de ce champignon fut une illumination. On inventa alors la forme définitive du parasol – et l’on entama la fabrication de tout un panel d'objets de moins en mois utiles ! Challenge une photo et quelques mots par jour : 315/365 - 11 novembre
Au petit matin, le brouillard paresse devant la fenêtre. Génial ! Quelques minutes embuées s'étirent, et une clarté bizarre se répand : à travers la mer de nuages, le lever de soleil délavé éclaire d'un rose sirupeux quelques motons tassés derrière les sommets. Une poignée de secondes le haut de la falaise s'esquisse, comme dans un rêve. Puis plus rien, le calque épais annule tous les contours. Après un moment d'hésitation, je monte vers les rangées d'arbres sinueux en contre-haut. Depuis longtemps, je voulais y tenter quelque chose... mais depuis la fin de la mousson estivale, la brume n'était pas vraiment redescendue si bas. Le pré aux coucous est tout décoré de taches d'automne. L'air humide sent bon le végétal. Au-dessus, un homme règle la musique dans sa mini-pelleteuse. Étrangement, les odeurs de clope et de gasoil mêlées dans l'air vif réveillent de bons souvenirs, de ces matinées où on fendait le bois devant la cabane, au sommet d'une colline. Bientôt, les deux rangées de hêtres se referment sur l'absence de ciel. Le temps de poser le sac et le trépied... et la brume s'est effacée ! Me voici à la surface des nuées... En face, dans une couche claire à l'aspect de fumée, les sommets dentelés se dessinent. Loin d'être aboutie, j'avais quand même envie de vous partager cette photo-ci, premier test de la série... Challenge une photo et quelques mots par jour : 316/365 - 12 novembre
Par un mauvais soir d'automne, naquit une fleur qui avait décidé de ne rien faire comme tout le monde. C'était une pervenche, merveille, d'un blanc neige, qui prenait sa revanche sur le soleil et ses sortilèges. "Moi, se disait-elle, je n'aurai besoin de personne pour pousser ! Je me ferai moi-même, toute seule comme une grande, je bâtirai de mes pétales mon monde, et je ne devrai rien à quiconque ! Je serai vents et tempêtes, souffle et pureté." Elle se développa ainsi pendant une éternité ou deux, blottie sous une haie, arrosée de rosée, habillée de reflets. Elle se croyait forte, elle se sentait méritante. Et puis un jour, comme ça, sous l'orange éblouissant d'un réverbère, elle réalisa qu'elle était bien chanceuse d'être venue au monde là. Qu'elle avait été graine, racines ; qu'elle avait profité d'un abri, qu'elle n'avait pas été malmenée par le temps, qu'elle avait eu assez à boire à chaque instant. Qu'elle était forte, et belle, mais que jamais, ô grand jamais, elle n'aurait pu briller autant sans une alliance de circonstances. Challenge une photo et quelques mots par jour : 317/365 - 13 novembre