C'est l'histoire d'un pied qui marchait sur l'eau. C'est l'histoire d'une eau pour laquelle c'était le pied. C'est l'histoire d'un pied qui perdait pied. C'est l'histoire d'une eau qui s'y noyait. C'était à une époque lointaine, dans le passé ou dans le futur. Une époque où se décidait un peu l'ordre des choses. Il y avait l'animal et le végétal, le vivant et le mort, l'immobile et le mobile, le marin et le terrestre, la pensée complexe et les décomplexés, les conifères et les feuillus, les êtres et les choses. Et voici que, d'un coup d'un élan, un hurluberlu qui ne voulait déjà pas rentrer dans les cases qu'on n’avait même pas fini de tracer décidait de mettre un coup de pied dans l'eau. Déjà, c'était ennuyeux. Parce qu'on venait de faire la différence entre les rivières et les lacs, et qu'un lac devait se tenir tranquille. Or, l'hurluberlu avait fait des vagues. Le lac était-il redevenu rivière ou mer jusqu'à apaisement ? Ensuite, cet extravagant indivichose semblait mort mais vivait, s'octroyait l'apparence d'un bout d'animal habitant la savane tout en vivant sur l'eau et revendiquait le statut de plante – sans être verte, soi-disant parce qu'il y aura toujours assez de légumes. En outre, il avait décidé d'être un conifère, parce que les aiguilles c'est trop classe comme feuilles ; mais de perdre ses aiguilles à l'automne par solidarité. Bref : un bug dans le tissage de la matrice, une maille loupée dans ce joli tricot bien agencé. L'indivichose s'est reproduit. Un troupeau d'élépharbres s'est épanoui, peuple des eaux, vivants immobiles. Et revêtant à l'automne une parure rougeoyante digne des plus beaux fayards. Challenge une photo et quelques mots par jour : 303/365 - 30 octobre
Un look de flèche ou d'ombrelle, de ces mini-décorations en papier qu'on fiche dans les gâteaux. Il se tient en équilibre instable, tout proche de l'eau. Tout fier, il indique les cimes, se prend pour un agent de circulation, se pavane sous les éclats des courants tout en nuances. Le pauvre ruisselet a dégonflé depuis les dernières crues. Il n'en reste plus qu'une cannelure d'eau fluette, qui pénètre au centre d'un bosquet concave, creusant son trou dans ce terreau crasseux entre les barres d'immeubles. Le petit groupe d’arbres, jonché de quelques détruits jadis charriés par le flux, abrite pourtant bien des vies. Les pies jacassent, les ailes des passereaux miroitent dans le soleil venteux, des grenouilles splochent d'un bond, ... et à la berge submersible s'agrippent des rangées de champignons. Challenge une photo et quelques mots par jour : 304/365 - 31 octobre
La goutte de trop. Le brin titubant, imbibé. Toute la grappe d'acolytes a forcé sur la rosée ce soir. L'ensemble est effervescent ! Ah, ils sont brillants, ces dépeignés. Leur flamme est intacte, un poil décalquée, peut-être. Ils ont le teint un peu verre... Mais qu'importe, tant qu'il y a de l'eau-de-vie. La goutte est sirupeuse, elle se laisse glisser sans se faire prier. Le premier novembre est bien le jour où l'on parle de mise en bière, après tout. C'est bien une histoire de bulles, non ? Les spiritueux visitent les cimetières, liqueur emplie d'amour, une gerbe d'effluves dans les bras, la goutte à l'œil. Malgré tout, en rase champagne, ils ont le punch. Parfois, d'un coup, un s'effondre, shooté... ; un autre se relève. Il y en a toujours un, déjà amnésique, pour lui demander : tequila ? Puis ils partagent un scotch, rassemblés par une perle de cocktail éblouissant. Du distillat d'éclat, de la crème de reflet, un vrai tonique. Challenge une photo et quelques mots par jour : 305/365 - 1 novembre