L'été s'est invité. Comme ça, d'un coup, sans prévenir. Il a soufflé très fort sur l'hiver, l'a fait fondre et dégringoler... Et voilà que le thermomètre frôle les 20°C. J'ai l'impression d'avoir loupé une étape, en remontant chez moi en débardeur. ` Depuis l'aube, le ciel est changeant, inspirant. Il se crible de trouées, se charge... Des textures naissent partout et caressent les sommets. Transforment les plus hauts en fantômes, que le froid conserve encore jalousement. Partout dans les versants blancs, on devine des coulées, des blocs... il ne fait pas bon côtoyer les cimes en ces temps. En fin de journée, je prends la route. J'ai une folle envie de voir ces nuages de plus près. Me voici sur des chemins, aux confins d'un village... à faire demi-tour avant que la neige ne barre le passage. Plus loin, je m'arrête à nouveau. Le ciel est juste dingue. Il propage une teinte chaude surréaliste qui baigne la marmelade de neige. Des filaments humides périclitent et tissent des mèches tremblotantes... Plus loin, un front sombre, buté, déjà tout bleu, se cogne à une falaise. Partout, des arbres hirsutes maculent les étendues. Je cherche un point de vue... sans succès. Les herbes sont aplaties par la neige, qui a fui précipitamment, laminant tout sur son passage. Pas une touffe dépareillée ne dépasse de ce toboggan ocre bien peigné. Je finis par me laisser happer par le ciel chargé, au loin, au-dessus de cette montagne que j'ai chérie dès le premier regard. Le mille-feuille de strates souligne merveilleusement les reliefs, comme on pourrait chercher à le faire au crayon. En été, elle se fond dans le décor. En hiver, elle se fait Himalaya. La pointe est triangulaire, altière, ... pourtant pas tape à l'œil. Elle sait s'imposer sans s'exposer. Suave, douce, toute en courbes. Son épiderme lisse se poursuit par une sylve clairsemée. Un tatouage en forme d'aigle orne son flanc. Elle domine la vallée mais s'incline sous le ciel et sa charpente écrasante. Lentement, le couchant perd de ses couleurs, bascule vers le monochrome. Tout au fond, trop vite, la ville s'allume. Challenge une photo et quelques mots par jour : 34/365 - 3 février
Si des fois vous trouvez des morceaux de mon inspiration, n'hésitez pas à les ramasser et à me les renvoyer... Je paierai le timbre ! Aujourd'hui, je me sens étrangement vide. Comme une baudruche, ou une coquille de noisette visitée – de celles qui font les bons sifflets. L'enveloppe est encore là, mais le dedans s'en est allé. J'ai dû oublier un bout de moi au lit, surement dans un songe. Les heures brodent sur cette thématique. Des ratés, de l'inefficacité, un ciel blanchâtre uniforme derrière la vitre sale. Il y a des jours comme ainsi. Qu'il faudrait sauter et recommencer depuis le début. Les passereaux m'accueillent au retour. Quelle joie ! Un pinson, à quelques mètres, au bord des buissons. Des mésanges et des merles ; un troupeau criard de moineaux... et, bien plus haut, les chardonnerets qui pique-niquent dans les platanes. Je vais me nicher contre le composteur pour les voir de plus près. ... Et c'est ce moment que le chat choisi pour me rejoindre. Fail. (Heureusement,) plus d'oiseaux. Tant pis, c’est parti pour un tour plus haut. Je bifurque dans les bois sous le regard appuyé d'un promeneur. Les branches m'attrapent et m'attirent de leurs mille longs doigts. Le monsieur, depuis la route, me fixe toujours avec insistance. Je fuis son regard en m'enfonçant plus loin, sans vraiment réussir à m'en détacher. Enfin, il reprend sa marche. Sans réfléchir, je poursuis une piste, rejoins un sentier, passe par une souille, glisse dans un dévers. Les premières pousses d'ail des ours esquissent la trame d'un tapis. Mes jambes me portent jusqu'à un coin plus boueux que jamais, où un petit trou bouillonne étrangement. Un rayon rose totalement inattendu caresse les montagnes quelques instants. C'est le signal : la nuit s'abat. Je m'assois sur un vieux banc, écoute le silence. C'est agréable, le silence des bois. Prenant, enveloppant. Reposant et inquiétant tout à la fois. Avec tout ça, en fait, je n'ai toujours pas de photo. Alors je m'amuse, avec les troncs tout proches, et le magma citadin qui palpite quelques centaines de mètres plus bas. Challenge une photo et quelques mots par jour : 35/365 - 4 février
Cet après-midi, je me rends à mon garage pour récupérer des calendriers mystérieusement disparus. Par élimination, à moins d'une combustion spontanée ou d'un enlèvement par des Korrigans, ils ne peuvent plus être que là. (Oui, j'ai cherché sous le lit / dans le frigo / dans mon casier / dans le fourgon ; et à peu près dans tout ce qui peut composer mon univers quotidien – mais si vous avez des idées inventives, n'hésitez pas !) La porte basculante ne veut pas s'ouvrir. Prise d'un doute, j'essaye tous les boutons. Rien. Je me demande si... si si, je suis partie avec le mauvais trousseau de clefs ! Flûte. Quitte à être dans le quartier, je vais faire un tour dans la forêt de l'autre versant, où j'ai habité quelques temps. C'est tout près. Peut-être que de ce côté, des perce-neige pointent leur bonnet ? Le long de la route, des parkings de supermarchés bondés et agités ; des files de gens (im)patients qui piaffent, tête basse, devant des bâtiments gris et cubiques. Je rejoins un parc, plaqué contre la place du marché. Un long pré épluché rehaussé de quelques arbres, dans lequel cavale un assortiment hétéroclite de chiens qui promènent leurs maîtres. Il y a de tout. Du bouledogue ramassé qui renifle tout le monde au lévrier altier et distant, du jeune des quartiers au collier hérissé au vieux muselé. J'atteins les chemins connus. La montée, large et raide, entourée de talus. Les toupets de fragon entre les hêtres nus. L'étendue de toits rouges à travers les bois. Un pic toque dans un tronc creux. Cent nuances de brun. De temps à autre, une hellébore décore. D'abord, je ne vois rien dans le tapis de feuilles. Quelques timides pousses d'ail des ours, peut-être. ... Mais là, juste là, à mes pieds, il y a cette petite fleur boutonnée... À y regarder de plus près, il y en a une autre à quelques pas. La première corolle s'ouvre. Une scille, si près... Il faut bien des précurseurs. Allongée dans l'humus, je me régale de sa fraîcheur et du fumet de la forêt qui s'éveille. Challenge une photo et quelques mots par jour : 36/365 - 5 février