Il est là, tapi quelque part dans des entrailles ténébreuses. Prêt à charger. Il paraît que c'est un démon de l'ancien monde. Ou du nouveau. Il est toujours resté à proximité, à la lisière de l'ombre, prêt à sortir en pleine lumière lorsqu'elle sera assez sombre. Juste à portée des pensées lorsqu'elles dérapent. C'est son truc, l'obscurité. Quand on lui en donne la possibilité, il jaillit. Mais subtilement, s'il vous plaît : on ne survit pas aussi longtemps sans avoir acquis une certaine maîtrise dans l'art de se hâter lentement en attendant son heure. Lui ? C'est juste un papillon de nuit très accommodant qui a décidé de visiter mon fourgon aujourd'hui. Mais métaphoriquement, avec son corps trapu, son pelage dépeigné, et ses longues cornes incurvées et baissées... en cet instant, c'est une bête noire. De la colère ? De l'indifférence ? De l'exaspération ? De la jalousie ? De la frustration ? Tout cela à la fois, comme un chaos incarné, présent en chacun. Et qui, après quelques étincelles, s'enflamme et s'agite. Une petite tornade confuse prête à en découdre avec la quiétude et la candeur. Quand j'étais plus petite, j'écoutais des cassettes dans l'auto-radio de la Clio bleue. Il y avait une histoire qui contait que le diable, par un concours de circonstances mû par une fierté déplacée, s'était un jour caché dans une noisette. Pour se débarrasser de lui, après maintes difficultés, la noisette finit par être brisée. Elle explosa et s'éparpilla en mille et mille fragments minuscules que chacun respira. Et c'est pourquoi, il y a un petit peu de diable en chacun de nous... Heureusement que le printemps est l'époque des giboulées, et qu'après les ébranlements et autres ruissellements, revient toujours une forme d'harmonie lumineuse... ! Challenge une photo et quelques mots par jour : 111/365 - 21 avril
Féerie pour les Ténèbres ⎪ La Baguette de Sureau Après un début de journée mitigé, balançant entre expectative, exaspération dubitative et neutralité intriguée, j'ai eu un déclic. Il s'est produit d'une façon bête. J'ai eu soudain l'impression de me retrouver dans un sketch, ou dans la case bigarrée d'une BD. La scène m'est apparue si ubuesque que je me suis retenue de rire. De la situation, des protagonistes, de moi, au milieu, entrain de me prendre la tête pour des conneries. En tournant les talons, une solution évidente s’est imposée : le Parti d'en Rire. Quelques minutes plus tard, j'ai appris le décès d'une dame fort sympathique rencontrée à l'occasion d'un stage photo. Pendant le laps de temps entre chaque décès dans un périmètre affectif proche, j'ai un peu le temps d'oublier le concept de mort, et son effet sur les vivants. La boule qui se déploie dans la gorge. La sensation de vide qui part du cœur et s'étend dans la poitrine, immense. Les pensées qui flottent et éclatent, comme autant de bulles. L'émotion tiraillée entre l'incompréhension d'une non-chose non-appréhendable, et l'acceptation d'un processus logique inéluctable. Le souvenir que chaque instant est unique, que la vie est un puzzle d'instants, et qu'elle est trop précieuse pour être gâchée en contrariétés. Subitement, je me suis rappelée que si je ne suis pas responsable de la situation, je le suis toujours de ma façon de la vivre et d'y réagir. En rentrant, j'ai appris la mort du chien de ma belle-mère. Décidément... Couchée dans les bois, je contemple un des premiers orchis. Un bouquet à lui tout seul, bien stable au bout de sa baguette. Le soleil fait un dernier signe en passant derrière la falaise, drapant le crépuscule un air de douce féerie. Challenge une photo et quelques mots par jour : 112/365 - 22 avril
... et le Problème des Baobabs Une femme fonce, au volant d'une voiture sans permis, musique à plein volume, à toute vitesse dans l’étroite rue onduleuse. Silencieusement, je croise les doigts pour qu'il n'y ait pas de renard – ni d'enfant, de chauve-souris, de promeneur ou quoi que ce soit d'autre de vivant d'ailleurs – sur sa route. Un tout petit chien vient à ma rencontre, vite sifflé par son maître qui ne me remarque pas. Un peu plus bas, sans doute au cimetière, des voix imitent des chouettes en rigolant. Assurément des ados qui jouent à se faire peur... (J'ai toujours eu ces jeux en horreur. Je me souviens encore de quelques bribes d'histoires inventées dans le noir à tour de rôle lors d'une soirée pyjamas... en primaire !) Un volet grince, puis un autre. Derrière moi, l'abri de bois craque sporadiquement. Deux jeunes remontent la rue sur un scooter qui peine en faisant un bruit douteux de tondeuse à gazon antédiluvienne. Cette nuit est décidément bien trop bruyante. Je m'arrête contre la fontaine et contemple l'eau miroiter... Il était une fois... Puis bien plus. Il était donc mille fois, dans un univers à l'infinité restreinte, une planète. C'étaient mille planètes uniques et similaires, peuplées chacune de mille graines de planètes, uniques et identiques. Les mille graines donneront, peut-être, naissance à autant de planètes, dans une infinité moins restreinte. Elles se pressent, se cramponnent, une foule en communion, un parfait cercle familial, si soudé que le socle pourrait en exploser. Un coup de vent et... pfffuip. Le cercle implose. Chacune part vivre sa vie de planète en devenir. "Moi, se dit le Petit Prince, si j'avais cinquante trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine..." Challenge une photo et quelques mots par jour : 113/365 - 23 avril