Je voudrais vous parler d'un truc : la bienveillance. On l'évoque beaucoup actuellement, tout en appliquant les lois de la jungle. On en fait un idéal, un machin important, on la pose là-bas sur le piédestal... et on a un peu tendance à oublier que c'est simplement une façon de faire et d'être, accessible, qui existe vraiment. Mais pour être normal, il faut râler, un peu. Quand même. Surtout lorsqu'on est français. Je ne sais pas à quel moment ça a dérapé, et où pourrir les autres et voir le négatif partout est devenu un genre de sport international. On aurait pourtant pu choisir un truc plus agréable. Genre le parapente, les fléchettes, la lecture ou le kayak ! Ça s'installe dès la maternelle ; peut-être même avant. À croire que c'est codé dans la matrice de nos sociétés. On nous forme à être les meilleurs. Pour qu'il y ait des élites... il faut des moins bons. C'est con hein, mais la chose est ainsi faite que si l'on est tous premier, ça n'a plus de valeur. Lorsqu'on est premier (vous savez, le principe de la cordée si cher à notre président, celui dans lequel ceux qui sont devant coupent la corde...) on a réussi sa vie. That's the game ! Souvent plus un travail est essentiel, plus il est désagréable, et moins il est payé. Ça laisse les bons côtés à ceux qui gagnent. Logique. Bref. Ces derniers temps, je réapprends lentement ce que j'avais joyeusement désappris : la méfiance, la critique, écouter les autres faire des procès, essayer de faire gaffe au moindre mot en redoutant un revers . Que vont dire et penser les autres ? Qu'est-ce qu'il faudrait que je fasse pour être mieux intégrée ? Pour éviter une déviation contre-productive de l'échange ? Est-ce que ce débat va partir en cacahuète ? C'était ça à l'école, ça le reste un peu au boulot, à la maison. Surtout beaucoup en ville ; et énormément sur le net. Vous avez sans doute remarqué : les réseaux sont un nid à polémiques. Il y a toujours quelqu'un pour juger et critiquer gratuitement, pour se défouler en insultes, pour faire dérailler les dérives ; et alors tout le monde bondit allègrement dans le tas. On dirait une bagarre dans un Astérix. On ne sait même plus échanger sans que ça tourne en bataille rangée. C'est quand même fou non ? Aujourd'hui, j'ai emmené mon chat chez le vétérinaire. J'appréhendais un peu : un chat de coloc', sans suivi de santé, dans un quartier propret... Mais non. Cela faisait longtemps que je n'avais pas ressenti autant de bienveillance. Un moment précieux qui m'a rappelé ma cabane dans les bois entourée de copains. Et honnêtement, ça fait vraiment du bien. Merci ! Du coup... maintenant que je m'en souviens mieux... si au lieu de se ranger à une norme anormale par dépit ou par habitude, on sortait de nos chrysalides pour regarder le monde avec des yeux nouveaux ? On osait s'extraire de notre zone de confort cousue en peau de carapace pour assumer des forces et des failles, et essayer d'apporter un peu de bon autour de nous... ? Ce n'est pas en rabaissant les autres qu'on sera meilleur... Challenge une photo et quelques mots par jour : 77/365 - 18 mars
On est tout neufs ! Nés il y a un jour ou deux, encore presque indifférenciés. Un inconnu nous a enterré dans des petits pots, on ne se souvient pas trop. C'était notre vie d'avant. Mais on a tout lâché pour se jeter à l'eau. Le retour à la Terre. On était des petites choses inertes et sèches. Toutes rabougries. Ni âme ni conscience. Souvenirs fanés d'un fruit né de l'amour de fleurs que personne n'a cueillies. Un peu d'eau sur la courge, et on a vite fait le poirier. On s'est débattu pour s'extirper... Des racines, ... puis des ailes. C'est magique, miraculeux. Un jour, on verra un jardin. On goûtera la vraie terre, la vieille, celle qui connaît le coin. Elle va nous en raconter des choses. Sûrement nous en faire voir de toutes les couleurs, parce qu'on est les p'tits nouveaux, forcément inadaptés. On va se faire chambrer. Mais moi j'y crois, on va pousser ! On a été semé... reste à s'aimer, essaimer ! En attendant, on profite de nos ailes en cœur, pour s'envoyer des mots rêveurs... Challenge une photo et quelques mots par jour : 78/365 - 19 mars
Injection - Lettre d'une fleur à un système sous perfusion. "Monsieur le Président. Je vous fais une lettre, Que vous lirez peut-être ; Si vous avez le temps..." Je viens de déchiffrer, Un papier singulier. Que je devrai signer, Pour sortir par tous temps. Monsieur le Président... Je ne veux pas la faire. Je suis contre les guerres ! Comm'chaqu'fleur de printemps ! "Monsieur le président ; Il faut que je vous dise, Ma décision est prise, Je m'en vais déserter." Depuis mille ans, notre système évolue dans une courbe exponentielle. Depuis cent ans, il a entamé son crédit à la Terre. Depuis un an, il suffoque, sous perfusion. Comme nous tous. De toute part, je vois des gens qui en ont ras-le- bol. D'abord, on a été nombreux à clamer qu'on ne voulait pas de retour à l'"anormal". Pour la première fois hors période de guerre, les populations humaines ont été confinées, presque mondialement. C'était certes une catastrophe pour les soignants, les malades et leurs proches... mais aussi une pause inespérée dans les routines, sans crash majeur. Un moment inédit qui permettait de s'arrêter pour réfléchir, de regarder autour, et de prendre du recul. Et de changer – pour en éviter un, de crash majeur. Un de ceux qui élimineraient toutes les fleurs. Malheureusement, la panique l'a emporté. Comme nous étions en guerre, un conflit virtuel a éclaté entre les pros et les antis, entre les "si vous faites un pas dehors pour une activité personnelle vous êtes un assassin" et les "on n'en a rien à branler, laissez-nous vivre !" Un océan de culpabilité, d'insultes et de sentiments d'injustice a inondé le monde. On a fait tourner des hélicos pour chasser les randonneurs, pour construire des hôpitaux militaires ; on a mobilisé la flotte pour aller quelque part faire quelque chose. On a mis des muselières. On a monté une opération de comm' pour dire qu'on faisait tout, tout en continuant à limiter les moyens accordés aux hôpitaux. ... "Quoi qu'il en coûte." Au bout d'un moment, les tensions se sont relâchées. Un peu. Pour certains. Puis carrément. Pour beaucoup de monde. Et puis récemment, il y a une opinion qui domine. "On veut revenir à la vie normale !" Face à l'anormal qui s'éternise et qui colonise comme une plante invasive, la vie d'avant est une norme rassurante. Du coup, chacun s'énerve contre ce qu'il peut : ce gouvernement qui déraille et qui a trop ou pas assez attendu pour prendre des mesures trop ou pas assez drastiques. Ces gens qui osent ou n'osent pas mettre en doute des textes législatifs. Ces jeunes qui veulent vivre et qui malgré tout se planquent faire des soirées ou sortent fumer. Ces vieux qui font n'importe quoi dans les supermarchés et le bus alors que c'est pour eux qu'on fait tout ça. Ces milliards qu'on débourse par l'opération du Saint-Esprit – alors qu'il n'y avait pas de sous pour sauver la biodiversité ou juste éradiquer la faim ou la soif dans le monde avant – et qu'il va bien falloir rembourser. Ces vaccins qui sont trop ou ne sont pas assez obligatoires. Ces conneries ou miracles que font les autres pays. On rame tous, d'une façon ou d'une autre. Pour nous les fleurs, c'est presque une pause – entre les confinements lors desquels chacun va coiffer sa haie et tailler son gazon tous les jours. Mais on sait bien qu'on va en baver ; ce n'est qu'une question de temps. Messieurs les présidents. S'il vous plaît. Nous ne sommes pas en guerre. Mais il nous faut changer, au plus vite, pour limiter la récurrence de ces situations... Et pour permettre aux peuples d'avoir un avenir prospère, hors des guerres – en lignes, civiles et tangibles. Et c'est votre rôle, de nous mener au lieu de nous perdre, en ces temps troublés. Et vous, tous. S'il vous plaît. Arrêter d'attiser la haine. Essayons plutôt de trouver des solutions pour que les choses aillent mieux, avec ou sans pandémie. Pour que ce monde nous soit plus agréable ! Challenge une photo et quelques mots par jour : 79/365 - 20 mars