Les Crocs de l'Abîme
Les premiers flocons arrivent plus tôt que prévu. Blanc sur gris.
Aujourd'hui, ce n'est pas vraiment mon jour. J'ai commencé par oublier mes chaussures de marche et remonter les chercher. Au travail j'ai appris que nos cartons tout frais – pour utiliser moins de plastique lors de l'envoi des livres – ont un défaut : il faut chercher de nouvelles méthodes chronophages pour compenser...
Enfin, je prends la route sous la neige. À peine ai-je marché 100 mètres que déjà, je suis engagée sur le mauvais sentier. Me voilà dans un pré, dont je finis par m'arracher en forçant le passage d'une haie entre ronces et barbelés – avant de découvrir une barrière dégagée un peu plus loin. Un pont surplombe des gorges sinueuses. Je m'insinue jusqu'au fond, lance une photo test... "Erreur : communication défectueuse entre l'appareil et l'objectif". Arf. Ce problème, rare il y a encore quelques semaines, est devenu presque systématique. Il va falloir agir. Extinction du boîtier, ... rebelote. Flûte. La troisième tentative est la bonne. ... Vite, un coup de mouchoir sur le filtre pour déloger les flocons. Mais l'appareil s'éteint : plus de batterie. Là au moins, j'ai la solution : hop, je remplace la batterie vide par une batterie de secours... vide. Et m**** !
Bon. Pas de panique. Il n'y a plus qu'à réchauffer les batteries et croiser les doigts pour que cela suffise... Me voici en équilibre sur un rocher verglacé, à jongler entre mes batteries à l'agonie, mon appareil trempé en erreur, mon mouchoir qui, rapidement, est inondé, et, touche finale : la buée. Cette fois, j'abandonne. Tant pis. Voici donc une photo loin d'être peaufinée.
Je bougonne, mais les lieux étaient superbes. Géniaux, incroyables. L'eau turquoise ondoyaient entre des parois moussues dont les reliefs étaient saupoudrés. D'au-dessus, la perspective était faussée, perturbante. Vertigineuse. Des stalactites gigantesques dégoulinaient des surplombs. Sous ces lames sculptées, des stalagmites se hissaient parfois vaillamment dans le lit du cours d'eau, goutte à goutte.
Juste à ma verticale, les toits donnaient naissance à un ange, modelé dans la glace translucide, les ailes grandes ouvertes.
Comme prévu, le temps se réchauffe. L'essaim de flocons se fait plus compact. Un banc de brouillard s'infiltre dans le canyon alors que je quitte les lieux. Un troglodyte mignon se planque dans des racines devant mes pas. Dans la vallée, la neige tombe en un épais rideau piquant.
P.S. : La prochaine fois que je sortirai dans le froid – genre demain – n'hésitez pas à me rappeler d'emporter deux batteries... pleines... !
Challenge une photo et quelques mots par jour : 12/365 - 12 janvier